Genèse


 
 
                    J'ai commencé à découvrir Remy de GOURMONT voici plus de dix ans. Après avoir connu son apogée, l'écrivain devait traverser comme beaucoup de ses amis, une longue période de demi-sommeil. Seuls, quelques hommes de lettres pouvaient parler de GOURMONT. Il m'était, vu mon âge, difficile d'appartenir à cette société privilégiée. Pourtant, l'œuvre était toujours présente et, comme sous pression, devait éclater à nouveau au grand jour.

                    Je vins à GOURMONT par un maître exceptionnel, le Docteur Paul VOIVENEL, encore jeune médecin, il avait eu l'extrême faveur d'être reçu au 71 de la rue des St Pères à Paris. Son attitude imprégnée de force psychologique avait de suite attiré l'amitié de la famille. Le frère de Remy, Jean, son épouse Suzanne, Henri et la célèbre Berthe de COURRIERE, épouse du sculpteur CLESINGER, l'inspiratrice devenue sixtine, adoptèrent le médecin du corps et de l'âme.

                    Remy de GOURMONT exprima au Docteur son admiration et sa confiance ; lui qui se méfiait des médecins "Y a t-il méfiance plus légitime ?" devait se "confesser" dans une longue observation médicale, certainement encore existante de nos jours, et rangée dans le cabinet de VOIVENEL au "Veretz" de Capoulet-Junac. De ce document, le médecin devait en extraire l'essentiel pour mieux connaître son auteur, et plus tard, écrire un essai de physiologie littéraire. Grâce au maître, Paul VOIVENEL devenait correspondant médical au Mercure de France, se liait d'amitié à Paul LEAUTAUD, lequel devait, lors du départ du Docteur, lui offrir un abonnement, geste hautement symbolique et significatif.

                    Très vite, deux ouvrages m'apparurent : l' "Essai de physiologie littéraire", (Éditions Cépadues, Librairie Cau, rue Peyras à Toulouse) de VOIVENEL découvert par ma persévérance chez un bouquiniste achalandé et une réédition de "cœur virginal". Le premier, édité aux Éditions du Siècle dirigées par l'auteur de la préface Jean de GOURMONT, devait après deux ans de travail avec le Professeur Louis LARENG faire l'objet d'un "reprint" aux Éditions Cépadues. Bien que modeste, cette réédition attira la curiosité dans les milieux spécialisés. Des journaux publièrent une critique littéraire, notamment La Dépêche, le Bulletin "Les amis de Roland DORGELES", l' "Auta" et le "Midi Olympique", lequel souhaite la réimpression de "Mon beau rugby", évidemment.

                    L'oeuvre de Remy de GOURMONT se divise en deux périodes très distinctes ; avant et pendant sa maladie. C'est cette deuxième période à laquelle je destine mon analyse. Jeune, son physique plaît, il mène une vie publique. Il fréquente les lieux à la mode, on le rencontre souvent au restaurant Duval. Les bouquinistes des quais de la Seine reçoivent régulièrement ses visites. Berthe de COURRIERE de CLESINGER n'est pas encore sixtine, le catalyseur de sa future cérébralisation littéraire, Natalie CLIFFORD BARNEY n'est pas encore l'amazone. Ces femmes aux noms prestigieux "sublimeront" GOURMONT ; en remerciement, il leur offrira une parcelle de sa gloire.
 
 

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