Le sensuel cérébral


 
 
                    Dans son étude de physiologie littéraire, le docteur VOIVENEL note que les cérébraux ne sont pas nécessairement des chastes. Ils se libèrent de leur tumescences par crises. La misère faciale de GOURMONT n'écarta en rien les femmes de lui, quand on aime, seuls les yeux comptent ; et VOIVENEL de conclure : "Remy de GOURMONT ne fut privé d'aucune joie physique".

 
                    La beauté est un critère subjectif. La Jeanne DUVAL de BAUDELAIRE était d'origine africaine. Le Poète romantique devait lui donner sa noblesse occidentale. Aimé par de belles femmes bien en cour, ROUSSEAU leur préféra Thérèse LEVASSEUR, tout en aimant sa vie entière, sa bienfaitrice, celle qu'il appelait "Maman", la blonde Françoise de WARENS.Remarque

                    Donc Remy de GOURMONT donne la plénitude dans les lettres à l'amazone, une longue correspondance ... Natalie CLIFFORD BARNEY devient à l'âge mur, le fruit de ses amours cérébrales. Il est difficile de savoir des deux qui fut le chat et la souris, dira VOIVENEL, l'un et l'autre savent qu'il n'existe aucun précipice.

                    Remy sait qu'il ne sera pas pris au mot, Natalie sait qu'elle ne sera pas prise au mot, tout se fait autour de cette définition. J'ajoute que le sensuel cérébral dérive dans la pensée et n'aime guère les fatigues inutiles, c'est mieux ainsi.

                    Dans son essai de physiologie littéraire, le docteur VOIVENEL analyse remarquablement chaque type sexuel : cérébral, médullaire, dystropho-génital, digestif. Je ne m'attarderai que sur le premier, Remy de GOURMONT était de ceux-là. Ce sont les intellectuels de l'amour, ils vont au delà du contact physique. On peut les résumer par : Il me suffit de penser que si je voulais, ce serait facile. VOIVENEL dit : "Ils cueillent rarement la fleur dont ils respirent le parfum avec délices".

                    Le cérébral ne trompe jamais la femme qu'il aime. Il navigue et tient bon la barre dans la mer déchaînée de l'amour. Marié certes, mais avant tout il est et reste l'amant de sa femme, il se renouvelle sans cesse. La phase de décristallisation si redoutée ne l'atteint pas, il la dépasse, en un mot, il oscille à une fréquence élevée.

                    Afin d'assimiler l'œuvre de Remy de GOURMONT, deux ouvrages s'imposent : "Sixtine" et "Lettres à l'amazone". "Cœur virginal" est plaisant, mais n'atteint pas l'intensité des deux premiers.

                    Madame de COURRIERE devenue Sixtine publiera une correspondance en hommage à Remy. Natalie, l'amazone, vécut jusqu'en 1976. Jean CHALON lui consacrera "Portrait d'une séductrice".

                    En 1925, Paul VOIVENEL écrivait pour les Éditions du Siècle "Remy de GOURMONT vu par son médecin", préface de Jean, frère de Remy. Paul VOIVENEL voyait en GOURMONT le génie, il disait : "Lire un livre, c'est comme si j'examinais l'auteur, j'écoute mon stéthoscope, je note les réflexes, je déchiffre l'électroencéphalogramme". Le diagnostic et le pronostic sur Remy de GOURMONT et son œuvre sont confirmés.
 
 
 

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Retour au texte                     ROUSSEAU avait 16 ans quand il fit la connaissance de sa bienfaitrice. L'attention de Madame de WARENS était telle qu'elle avait décidé de traiter en "homme" le jeune philosophe afin de le soustraire à la tentation de ses relations féminines.

                    Quelques années plus tard, en route pour Genève avec Thérèse LEVASSEUR, il lui rend visite. Madame de WARENS est âgée et fatiguée. ROUSSEAU lui propose de la prendre, elle refuse cette solution et préfère vivre chez elle, ce qui était compréhensible. ROUSSEAU lui donne de l'argent et la quitte. Plus tard, il en ressentira une forte douleur morale. L'amour de Jean-Jacques tournait au tragique, il ne s'en consolera pas.

                    " Ah ! C'était alors le moment d'acquitter ma dette ! Il fallait tout quitter pour la suivre, m'attacher à elle jusqu'à sa dernière heure, et partager son sort quel qu'il fût. Je n'en fis rien, distrait par un autre attachement, je sentis relâcher le mien pour elle. De tous les remords que j'ai sentis en ma vie, voilà le plus vif et le plus permanent. Je méritais par là les châtiments terribles qui depuis lors n'ont cessé de m'accabler : Puissent-ils avoir expié mon ingratitude !"