Abelard est un nom qui évoque aussitôt une belle et tragique histoire d'amour avec Héloïse. Notre société est par nature de l'homme sensible aux Amours, et s'y arrête spontanément. Seul l'analyste cherche dans ces amours la partie la plus importante telle la partie immergée de l'iceberg. Cette partie révèle un immense bouillonnement philosophique avec d'une part Abelard représentant un courant très avancé de la dialectique ou science du raisonnement, de l'autre les docteurs en théologie cherchant la prédominance du dogme. L'affrontement devenait inévitable, la contradiction était tellement vive qu'il y avait antagonisme. Il est facile d'imaginer les risques majeurs.Pierre Abelard enseignait la philosophie. Après avoir été un brillant élève, il assure ses cours à l'Ecole Notre Dame. De partout les étudiants affluent. Encore jeune, Abelard s'impose à un niveau remarquable. Il n'est jamais seul, un groupe d'élèves l'accompagne au moindre déplacement. Il est fils spirituel d'Aristote, ceci explique cela. La logique d'Aristote imprègne la pensée et lutte contre les textes non clarifiés par la dialectique.
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L'école d'Abelard fait merveille, un texte est choisi, on l'étudie en trois parties : le lettre, le sens, la sentence.
La controverse est souvent vive, on la désigne par "dispute". Professeur, Abelard domine par sa dialectique ses collègues - anciens professeurs de l'étudiant qu'il était notamment, Guillaume de Champeaux. La dialectique est le ciment de la pensée du XII siècle.Les docteurs de l'Eglise surveillent ce philosophe nouveau qui prétend qu'il n'y a pas de mystère mais des problèmes. C'est sur ce point que la cassure s'accentue. Entre-temps, Abelard avait fait la connaissance de la nièce du chanoine Fulbert, la fameuse Héloïse. Subjuguée par sa beauté et son talent, elle devient son élève particulière ; l'oncle acceptant les visites du Professeur, lequel devint l'amant de sa brillante élève... De rebondissement en rebondissement, Abelard finit agressé et châtré. Le malheur loin de les anéantir sublima les amants. Abelard se retira à l'abbaye de Saint-Denis, sur son ordre, Héloïse entra au Paraclet.
Remis de sa cruelle blessure, Abelard prétendait par ses écrits et ses conférences réformer le christianisme, celui-ci était défendu par un simple moine Bernard de Clairvaux, ardent représentant du catholicisme romain. Le concile de Soissons condamnait l'oeuvre d'Abelard. Les religieux de l'abbaye de Cluny à l'apogée, sans se mettre en porte à faux, soutinrent Abelard. C'est vers eux finalement qu'il se tourna afin d'éviter la condamnation papale. C'est à Cluny qu'il devait se retirer. Accepté avec charité, Abelard vécut en paix. Ses conférences continuaient d'attirer le foule.
Le combat qu'il a mené était inégal. Longtemps après sa disparition, une abbaye défraya la chronique et tenta elle-aussi la réforme. C'était Port Royal qui connut elle-aussi la disgrâce. Sainte-Beuve en a écrit l'histoire, le jansénisme de Port Royal était jugé hérétique, bien que non démontré.
Le relâchement spirituel laissa le champ libre au siècle des lumières. Les philosophes bien que déistes
attaquèrent de l'extérieur et firent des brèches importantes dans lesquelles la Révolution s'engouffra.
Si on avait écouté Abelard, la société aurait vécu un christianisme de dialogue à l'écoute de l'homme. Le Moyen-Age, transformé en Renaissance, serait inconnu dans l'histoire.
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La dialectique se transforme en scolastique appellation davantage utilisée de nos jours pour désigner quelque chose non démontré ne quittant pas le domaine du parlé.